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En mémoire d'Anne-Marie Bossy Cornford Jeannet
(1944-2022)
Née à Genève le 4 mars 1944, Anne-Marie est décédée dans son jardin d'Aire-la-Ville le mardi 28 juin 2022, entourée de sa famille.
Service funèbre du 5 juillet 2022:
Service funèbre du 5 juillet 2022:
Adresse d’Andrew Cornford,
Nous sommes ici présents pour commémorer une personne avec laquelle j’étais marié très heureusement pendant plus que vingt ans. Mon discours sera bref puisque je veux donner suffisament de temps à ses enfants pour fournir une narration au sujet de toute sa vie. Je vais me confiner juste à quelques traits de notre vie qui, j’espère, illumineront les raisons de notre bonheur ensemble.
Peut-être le trait le plus important de la personnalité d’Anne-Marie pendant – et avant – notre vie ensemble était sa capacité remarquable de créer des liens avec d’autres personnes. Grace à cette qualité elle a assemblé un grand et pour la plus part dévoué cercle des amis et collègues. Ce cercle a aussi enrichi ma vie, spécialement peut-être parce que plus tôt j’avais été une personne un peu solitaire et moins ouvert qu’Anne-Marie à la variété grande et souvent rémunératrice de la société humaine. Néanmoins notre intimité et notresoutien mutuel ne nous a jamais empêché de poursuivre des vies professionnelles et intellectuelles qui étaient indépendantes mais aussi le sujet d’une conversation continue qui était la source des grands bénéfices pour chacun de nous.
Une activité qui reflétait fortement nos enthousiasmes partagés était des visites d'expositions d’art en Suisse et, pendant nos visites estivales en Angleterre, aux grands châteaux construits par des aristocrates riches de l’Est d’Angleterre pendant des périodes plus lointaines de l’histoire. Nous avions beaucoup de plaisir àpartager et comparer notre compréhension, notre appréciation et quelquefois notre classements de l’art et des bâtiments qui étaient rendus possibles par ces visites.
Un trait d’Anne-Marie qui m’a donné – et qui a donné aussi aux autres - un grand plaisir était son attention à des objets plus quotidiens et à des actions des artistes, artisans, et jardiniers. Les résultats de cette attention sont reflétés par plusieurs animaux métalliques dans le jardin à Air-la-Ville qui étaient achetés dans des magasins de village de la campagne anglaise, et aussi des jouets et des appareils donnés par Anne-Marie aux enfants de la famille comme cadeaux d’anniversaires et de Noël. Grace à ce trait du caractère d’Anne-Marie la vie quotidienne devenait plus intéressante, plus amusante et plus drôle dans le monde d’Anne-Marie, de ses amis et de ses parents.
Nous sommes présents ici pour commémorer le départ physique d’Anne-Marie. Mais le départ physique ne signifie pas – et ne doit pas signifier – un départ complet ou spirituel. Ici je vais citer Stephanie Cacioppo, un neuroscientifique à l’Université de Chicago., qui est spécialiste de l'impact de l'amour sur le cerveau. Elle est l’auteur d’un nouveau livre, Wired for Love (qui peut être traduit Branché pour l’Amour). Sur la base de son expérience de la perte de son mari neuroscientifique bien aimé Cacioppo insiste sur le fait que l'amour est une nécessité biologique sans lequel nous ne pouvons pas vivre. Mais ce n’est pas nécessaire que l’amour soit pour une personne qui est physiquement présente ici avec vous. Comme dit Cacioppo de sa perte avec des remarques spécialement à propos pour moi comme le mari d’Anne-Marie – mais aussi des remarques sans doute à propos pour des autres très proches d’elle - (que je vais citer dans l’Anglais originel) – «once I let go, once I really faced the pain…I saw (my husband) everywhere, all around me ».
Merci de votre attention.
Adresse de Philippe Bossy,
Cher Andrew
Chère famille
Chers amis
Chères connaissances d’Anne-Marie
Mesdames, Messieurs
Au nom des enfants d’Anne-Marie, voici quelques mots à ajouter à tous vos souvenirs d’elle.
Anne-Marie aurait voulu vivre 100 ans.
Elle aimait la Vie. Indéniablement !
Elle nous l’a rappelé à de nombreuses reprises.
Aucune prétention dans cette affirmation. Juste la confirmation qu’elle avait trouvé un équilibre qui la rendait infiniment heureuse. Cet équilibre reposait sur deux piliers profondément ancrés dans son amour de l’humanité et de la nature. Vous l’avez compris, il s’agissait de ses relations aux autres et de son jardin.
Les autres, d’abord :
Ses familiers, enfants, beaux-enfants, petits-enfants, arrière-petit-fils, desquels elle se savaient aimées, puissamment, et de manière indéfectible. Quelle source d’assurance et de force pour aller de l’avant, en confiance.
Et toi, Andrew qui partagea sa vie et lui a permis de réaliser de nouveaux rêves, du jardinage à la ferronnerie en passant par la mosaïque, le bouturage, l’amour des roses et enfin l’attrait pour l’Angleterre. The last, but not the least ! Tu lui as fait découvrir Cambridge, Springhouse la maison de ton père, la petite ville côtière d’Hunstanton, séduite elle était, qu’elle bonheur vous partagiez chaque été sur cet île. Quel bonheur vous partagiez ensemble, au quotidien deux complices, amoureux.
Et il y a vous ! toutes et tous ici présents ou en pensée qui connaissiez Anne-Marie, la qualité de son écoute, l’amie fiable et inégalable, celle qui croyait en vous, la professionnelle engagée et inspirante ayant travaillé à Carrefour Rue et à SOS Femmes, mettant en confiance et pratiquant l’accueil inconditionnel. L’engagée dans des comités, des associations comme celle du Bateau Genève, toujours auprès de celles et ceux dont la vie s’est fracassée.
S’ajoute son implication sa vie durant dans l’église, ici même, à la paroisse de Saint-Antoine. Un autre lieu pour vivre son engagement envers la communauté.
Son jardin, ensuite.
Comment comprendre sa relation si intime et si organique avec son jardin d’Aire-la-Ville. Dès qu’elle y mettait un pied, son sourire ne la quittait plus. Elle ne cessait d’embellir ses parcelles. Planter, faire pousser, légumes, arbres, fleurs, beaucoup de fleurs, surtout des roses. Anne- Marie collectionnait les roses comme elle a collectionné les santons de Provence qui formaient la crèche chaque 24 décembre, à l’occasion de la fête de Noël que nous passions chez elle.Ces 7 petits enfants avaient préparé la crèche. Des centaines de santons, comme des centaines de roses, en pleine terre, en plate-bande, en arceau, en pot, des roses à tailler, toutes différentes, au mille couleurs et tailles, trouvées sur catalogues ou à l’occasion d’une exposition. Chaque rosier avait son histoire, son patronyme écrit sur une plaque de cuivre suspendue à son piquet : Hydrangea Phantom, Giardina, Paul Neyron, Coraline, Eglantyne, Institut Lumière, Antony, Gertrude Jekill, Othello, Brother Cadfeal, Alain Souchon, Chantal Merieux, Comte de Chambord, Jardin d’Albertas, Irene Watts, Pirate, Sorbet fruité, Kiss me Kate, Cesar ; Maria Mac Gredy, et j’en passe...
Debout ou assise, elle désherbait plate-bande après plate-bande, souvent s’arrêtait, interpellée par l’un d’entre nous et une discussion nous emmenait autour d’un thé, jamais banale, toujours nourrie d’une recherche de sens, sens de la vie, signification parfois de la maladie, beaucoup d’encouragements. Toujours sincère et en lien. D’autre fois, elle s’arrêtait juste pour lever la tête en direction du ciel, pour s’y relier, respirer, les pieds enracinés dans cette terre, celle de son père.
Anne-Marie était une femme entière et forte. De sa force elle en parlait ainsi : en trois temps :
· Quand j’ai enfanté et découvert que j’avais été capable de mettre au monde un être vivant, si parfait, si beau, si merveilleux, la jeune fille fragile et peu sûre d’elle-même que j’étais a disparue. Instantanément, je suis devenu femme, consciente de mon potentiel et capable du tout. L’impossible n’existait plus.
· Ma grande expérience de la vie, c’est l’Amour. Avec le temps, j’ai découvert que je pouvais aimer sans limite et que dans ce domaine tout était possible.
· La mort ? Je ne crains pas la mort. Quelques années plutôt, nous nous sommes déjà rencontrées. Elle s’est adressée à moi sous la forme d’une lumière bleue. C’était mon grand- frère, JJJ. Il me confia qu’il m’attendait et que par conséquent je pouvais prendre mon temps avant de le rejoindre, en toute confiance. Je serais accueillie. Ce jour-là, j’avais choisi de vivre de rejoindre Andrew.
Mardi dernier, elle nous confirmait qu’elle était prête.
Fin mai, déjà fortement diminuée, couchée sur sa chaise longue, elle assistait à la fête organisée en son honneur, par Roby et Cyprien, à Aire-le-Ville, sur le thème de la Vie. Que nous étions nombreux. Elle nous observait les uns après les autres, nous écoutait, familles, cousins-cousines, membres de l‘équipe d’impro, amis, connaissance. Elle me glissa : Je vous aime tous. Quel bonheur. Une dernière fois, elle nous avait rassemblé en ce lieu devenu symbolique, Aire-la-Ville, chemin des Picolates où 20 ans plutôt elle alla provoquer la réconciliation avec son père, René, retiré depuis 30 ans qui enfin allait l’accepter auprès de lui. Retrouvailles, libération, accomplissement, comme une René – ssance. Un rassemblement dont profitera aussi son grand frère. Un grand moment de paix qui nous a tous concerné. Quelle force, quel courage pour pardonner René. Quel modèle !
Anne-Marie est partie, mardi dernier, 28 juin vers 14h, entouré des siens. Nous étions dans son jardin, les roses avaient commencé à faner. Elle était couchée sur son canapé à l’ombre de bambous ramenés 18 ans plutôt d’une visite en famille à Anduze, organisée pour ses 60 ans. Elle avait enlevé ses souliers, spontanément, comme lorsque nous sommes invités à rentrer dans une nouvelle maison. Ainsi déchaussée, révélation, à ses pieds : une chaussetteverte, une autre jaune. Un dernier sourire illumina son visage.... Elle nous annonça que là où elle se rendait, clown elle serait. Enfin elle nous souhaita, à bientôt. A bientôt, mais pas trop vite, quand nous le souhaiterions, en confiance, car à notre tour, dorénavant nous étions attendus.
Anne-Marie aimait la vie et elle aimait la vivre. Car aimer, disait-elle, est sans limite, car en
aimant tout est possible.
Adieu ma mère, et comme tu l’as dit à tes petits-enfants qui t’appelais Manie:
-À une autre fois, tu as compté dans ma vie, tu as compté dans nos vies.
J’ai dit.
Adresse de Maxime Holdener,
Je suis né et j’ai grandi, Manie était déjà Manie. C’est sous ce nom qu’elle choisit d’embrasser son rôle de grand-mère. Ce rôle elle le joua auprès de ces sept petits enfants, du cadet à l’ainée : Robin, Yann, Mathis, Julia, Cyprien, moi-même Maxime et Océane.
Lorsque nous étions jeunes et qu’elle nous gardait, Manie nous proposait un monde dans lequel toutes les idées étaient bonnes et réalisées !
Alors que nous grandîmes, Manie se positionna comme une personne de référence. Aller vers elle, était s’assurer une écoute attentive et dénudée de tout jugement. Manie brillait par sa capacité à trouver du positif dans chaque situation. Au-delà de ces espaces de confidence que Manie offrait, discuter avec elle était une expérience unique. Manie était une rêveuse. Elle rêvait à haute voix, parfois d’être clown et nous entrainait avec elle. Cet enthousiasme rêveur était contagieux et sans s’en rendre compte on était emporté avec elle a mélanger nos propres rêves aux siens.
En plus de nous aider à rêver l’impossible, Manie nous soutenait activement à le réaliser. Elle accueillait nos projets, nous encourageait à les concrétiser et nous encensait lorsque nous obtenions des résultats. Me concernant, ce fut notamment l’écriture et si aujourd’hui je me suis senti confiant de m’adresser à vous c’est surtout grâce à elle.
Manie m’écrit en Janvier 2021, elle raconte le moment où elle envisage son futur rôle de grand-mère : « Je voulais être un phare qui brillerait jour et nuit afin que tu puisses voir ma lumière de n’importe où et savoir ainsi que tu pouvais compter sur moi lorsque tu le désirerais. Je te promettais de t’aimer et te chérir. De te soutenir et d’accepter tout ce que tu me donnerais. »
Je suis né et j’ai grandi, Manie était déjà Manie. Je suis né et j’ai grandi et jusqu’à son départ Manie est restée Manie. Durant ces dernières années aussi pénibles qu’elles ont été pour elle, jamais elle n’a failli au rôle de grand-mère qu’elle avait endossé 28 ans plus tôt. Toujours elle est restée cette femme généreuse et bienveillante.
Au revoir Manie et à bientôt ! Mais pas trop tôt tout de même.
Accompagnement musical:
Madame la Marquise
Aussi loin que je m’en souvienne, Anne-Marie nous a toujours rassemblé, ces enfants et leur famille, chez elle le 24 décembre au soir de Noël. Après le temps du repas venait celui des chants et des mandarines : Petit papa Noël, Chalande est venu, Ô douce nuit, entre le bœuf et l’âne gris, Les anges dans nos campagnes, il est né le divin Enfant, Mon beau sapin. Andrew compléta ce répertoire avec le fameux O come all ye faithful. Puis nous terminions ce tour de chant avec Madame la Marquise. En mémoire de Pierre-Alain, ami solitaire du quartier de la Servette qui a longtemps partagé ce repas avec nous et qui contribua à enrichir notre répertoire par ce chant que nous allons chanter tous ensemble, à la demande d’AM.
Allô, allô James !
Quelles nouvelles ?
Absente depuis quinze jours,
Au bout du fil
Je vous appelle ;
Que trouverai-je à mon retour ?
Tout va très bien, Madame la Marquise,
Tout va très bien, tout va très bien.
Pourtant, il faut, il faut que l'on vous dise,
On déplore un tout petit rien :
Un incident, une bêtise,
La mort de votre jument grise,
Mais, à part ça, Madame la Marquise
Tout va très bien, tout va très bien.
Allô, allô James !
Quelles nouvelles ?
Ma jument gris' morte aujourd'hui !
Expliquez-moi
Valet fidèle,
Comment cela s'est-il produit ?
Cela n'est rien, Madame la Marquise,
Cela n'est rien, tout va très bien.
Pourtant il faut, il faut que l'on vous dise,
On déplore un tout petit rien :
Elle a péri
Dans l'incendie
Qui détruisit vos écuries.
Mais, à part ça, Madame la Marquise
Tout va très bien, tout va très bien.
Allô, allô James !
Quelles nouvelles ?
Mes écuries ont donc brûlé ?
Expliquez-moi
Valet modèle,
Comment cela s'est-il passé ?
Cela n'est rien, Madame la Marquise,
Cela n'est rien, tout va très bien.
Pourtant il faut, il faut que l'on vous dise,
On déplore un tout petit rien :
Si l'écurie brûla, Madame,
C'est qu'le château était en flammes.
Mais, à part ça, Madame la Marquise
Tout va très bien, tout va très bien.
Allô, allô James !
Quelles nouvelles ?
Notre château est donc détruit !
Expliquez-moi
Car je chancelle
Comment cela s'est-il produit ?
Eh bien ! Voila, Madame la Marquise,
Apprenant qu'il était ruiné,
A peine fut-il rev'nu de sa surprise
Que M'sieur l'Marquis s'est suicidé,
Et c'est en ramassant la pelle
Qu'il renversa toutes les chandelles,
Mettant le feu à tout l'château
Qui s'consuma de bas en haut ;
Le vent soufflant sur l'incendie,
Le propagea sur l'écurie,
Et c'est ainsi qu'en un moment
On vit périr votre jument !
Mais, à part ça, Madame la Marquise,
Tout va très bien, tout va très bien.
La flûte enchantée, La Reine de la nuit, Mozart
Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen,
Une colère terrible consume mon cœur
Tod und Verzweiflung (bis) flammet um mich her!
Le désespoir et la mort m'enflamment
Fühlt nicht durch dich Sarastro Todesschmerzen (bis),
Si Sarastro ne meurt pas de ta main
So bist du meine Tochter nimmermehr.
Tu ne seras plus jamais ma fille.
Verstoßen sei auf ewig, verlassen sei auf ewig,
Que soient à jamais bannis, à jamais perdus
Zertrümmert sei'n auf ewig alle Bande der Natur,
À jamais détruits tous les liens de la nature
Verstossen, verlassen und zertrummert alle Bande der Natur
Bannis, perdus et détruits les liens de la nature
Wenn nicht durch dich Sarastro wird erblassen!
Si Sarastro n'expire pas par ton bras
Hört! Hört! Hört! Rachegötter! Hört der Mutter Schwur!
Entendez! Dieux de la vengeance ! Entendez le serment de la mère!
Opéra : Nabucco, Va pensiera, de Verdi
Va', pensiero, sull'ali dorate.
Va, pensée, sur tes ailes dorées ;
Va', ti posa sui clivi, sui coll
Va, pose-toi sur les pentes, sur les collines,
ove olezzano tepide e molli
Où embaument, tièdes et tendres,
l'aure dolci del suolo natal!
Les douces brises du sol natal !
Del Giordano le rive saluta
Salue les rives du Jourdain,
di Sionne le torri atterrate.
Les tours abattues de Sion ...
O mia Patria, sì bella e perduta!
Oh ma patrie si belle et perdue !
O membranza sì cara e fatal!
Ô souvenir si cher et fatal !
Arpa d'or dei fatidici vati
Harpe d'or des prophètes fatidiques,
perché muta dal salice pendi?
Pourquoi, muette, pends-tu au saule ?
Le memorie del petto riaccendi
Rallume les souvenirs dans le cœur,
ci favella del tempo che fu!
Parle-nous du temps passé !
O simile di Solima ai fati
O semblable au destin de Solime
traggi un suono di crudo lamento
Tire le son d'une cruelle lamentation
O t'ispiri il Signore un concento
O que le Seigneur t'inspire une harmonie
che ne infonda al patire virtù
Qui nous donne le courage de supporter nos souffrances !
che ne infonda al patire virtù
che ne infonda al patire virtù
al patire virtù!